1. L’organisation de la Résistance en Ariège
La Résistance en Ariège a pris deux grandes orientations. La proximité de l’Espagne a été propice aux tentatives d’évasions, de nombreux passeurs permirent à des milliers de personnes de franchir les Pyrénées : militaires rejoignant les Forces Françaises Libres en Afrique du Nord, opposants fuyant le régime de Vichy, israélites menacés de déportation, prisonniers de guerre évadés ou réfractaires au Service du Travail Obligatoire. L'Ariège a également compté de nombreux maquis. Sur les 70 qui ont été recensés, une quarantaine peuvent être considérés comme importants. Presque tous étaient établis sur les contreforts boisés des Pyrénées, la haute montagne étant classée zone interdite et surveillée par les douaniers allemands à partir de 1942.
La lutte clandestine débute fin 1940, en réaction aux sanctions prises par le gouvernement contre les défenseurs de la République, les Juifs et les opposants politiques. Il s’agit d’abord de tracts et d’inscriptions critiquant les autorités. Les premiers noyaux de résistance structurée apparaissent en 1941 : l'Armée Secrète du groupe Froment est organisée en avril. Au printemps, a lieu le premier sabotage d'usine à Pamiers.
Durant l'été, l'Organisation Spéciale, créée un an plus tôt et réunissant des militants communistes chargés de protéger les distributions de tracts et de journaux clandestins, fait place à une nouvelle formation civile : le Front National. Le groupe Franc-Tireur
ariégeois est mis sur pieds en octobre et les Francs-
tireurs et partisans français s'organisent courant 1942.
Malgré l’occupation de la zone sud par les Allemands à partir de novembre 1942, deux nouveaux mouvements apparaissent. Combat, qui se consacre aux passages et à la propagande anti-vichyssoise, puis l'Organisation de Résistance de l'Armée, créée par d'anciens officiers de l'armée régulière dissoute. L’essentiel des effectifs de cette formation intégrera le Corps Franc Pommiès. Celui-ci devenu le 49ème R.I. après la Libération, participera aux opérations alliées jusqu'à la victoire.
En mars 1943, Combat, Franc-Tireur et «Libérer et Fédérer» fusionnent pour donner naissance aux Mouvements Unis de la Résistance. L'Armée Secrète du groupe Froment demeure autonome mais délègue un représentant à la direction des M.U.R. De nombreux passeurs se font prendre et des filières disparaissent. Entre 1943 et août 1944, une centaine d'attentats est menée afin de perturber les communications et freiner la production des entreprises contribuant à l'effort de guerre allemand. En 1943, les premières attaques de maquis débutent (Ezes-le-Port en septembre, Camarade en novembre).
2. Les Guérilléros
Le premier groupe de Guérilleros de l'Ariège apparaît en 1942. Cette formation autonome se compose de réfugiés de la guerre d'Espagne, issus des groupes de travailleurs étrangers ou évadés des camps d'internement. Le poste de commandement et l’état-major national sont établis à l’Herm jusqu'en avril 1943. Quatre autres groupes sont implantés aux alentours de Foix et de Varilhes. En avril 1943, plus de quatre-vingts hommes sont pris, la direction et des maquis démantelés (Aston, Rieux-de-Pelleport). Les Guérilleros doivent se réorganiser en répartissant leurs forces dans les chantiers forestiers qui n'avaient pas encore été utilisés. Ils procèdent malgré tout à de nombreux sabotages sur les lignes à haute-tension et les voies ferrées jusqu'en décembre.
La 3ème brigade, unité combattante la mieux organisée du département, se met en place, avec à sa tête J. Alonso "Robert" et P. Gimeno "Royo". Elle multiplie les actions contre l’occupant et joue un rôle décisif dans les combats pour la libération de Foix.
3. La Répression
La répression s’organise dès juillet 1941. Des passeurs sont arrêtés à Ax-les-Thermes et les premiers responsables d'organisations secrètes sont emprisonnés.
Début 1944, les troupes allemandes, renforcées par les formations vichyssoises (Milice, Parti Populaire Français, membres français de la Gestapo, soit près d'un millier d'éléments), font régner la terreur dans le département. Arrestations, déportations, exécutions et incendies se succèdent. L'École des cadres de la Milice de la Région Toulousaine s'installe à Pamiers le 15 juin 1944 et apporte les meilleurs éléments de la Milice pour l'Ariège.
A cette période, le nombre de résistants Ariégeois est évalué à une centaine pour l'Armée Secrète, près de six cents pour les F.T.P. et plus de cinq cents pour les Guérilleros.
La majorité des mouvements de résistance ont subi de durs revers. Ils semblent paralysés par l'arrestation des dirigeants du Front National en 1942, l'exécution par la gestapo d'Irénée Cros, chef départemental des M.U.R. en décembre 1943 et la capture de la plupart des membres du C.F.R. suite à une dénonciation, au printemps 1944.
4. L'offensive des maquis en juin et juillet 1944
Le débarquement de Normandie donne le signal de l'insurrection générale. Répondant à l’appel lancé par les Alliés, des centaines de jeunes gens rejoignent les maquis. Grâce à l'affluence des volontaires, les effectifs de la Résistance augmentent bien que les armes manquent. Tout au long des mois de juin et juillet 1944, les actions de sabotage des maquisards s’intensifient et plusieurs localités sont occupées pour quelques heures par les maquisards. En réaction, la répression se durcit, des maquis sont attaqués et la milice se livre à des représailles sur des civils.
Le 8 juin, les F.T.P. basés à proximité de Dun, Vira et Calzan attaquent l'école de gendarmerie de Pamiers où des armes sont récupérées. Le 9 juin, suite à la dénonciation d'un milicien, une formation allemande venue de Toulouse attaque Vira, siège présumé de la 3103ème compagnie F.T.P. Avant d'occuper le village, les Allemands tirent sur les sentinelles postées en avant-garde. Dans les champs, deux civils sont tués, une femme blessée, trois résistants abattus et un quatrième disparaît. Les Allemands reviennent le 11. Des maisons sont pillées. Le moulin d'Engraviès, ancien siège de l'état-major F.T.P., est dynamité.
Le 10 juin, la Milice organise une expédition contre
le maquis de La-Bastide-de-Sérou tandis que les Allemands attaquent le maquis de Betchat. Le 12, les troupes allemandes incendient des maisons au Merviel, fusillent deux civils et arrêtent de nombreuses personnes dont une qui serra déportée. Le 26 juin, les Allemands encerclent le château d'Escarrabillat où se trouve le poste de commandement du maquis de Justiniac. Sept des occupants du château sont tués, un huitième meurt en déportation. Le 29 juin à Arvigna, S.S et miliciens détruisent la ferme des Naudy et abattent trois paysans.
En juillet, sabotages et représailles continuent. Le maquis de La Bastide de Sérou sabote la ligne de chemin de fer entre Saint-Girons et Foix. Le lendemain, la Milice rafle trois personnes à La-Bastide, qui sont fusillées par les Allemands près de Foix. Le 13, les membres du P.P.F. de Saint-Girons exécutent le sénateur P. Laffont et son ami le docteur Labro. Le 18 juillet, douze pylônes haute tension sont sabotés entre Varilhes et Verniolle.
Fin juin, la 3101ème compagnie F.T.P. s’installe près de Roquefixade. Les 80 maquisards sont attaqués le 6 juillet par la Milice et les G.M.R. Ils perdent 16 hommes, parmi lesquels le jeune Juif Egon Berlin qui venait de quitter le Château de la Hille pour combattre à leurs côtés.
Dans le Couserans, le maquis de la Crouzette-Rille est l’une des formations de guérilla les plus importante de l’Ariège. Il est attaqué le 21 juillet. L'opération est conduite par l'Intendant régional de police Marty accompagné de six détachements de miliciens et G.M.R. Une rude bataille s'engage durant près de dix heures. En fin d'après-midi, le poste de commandement espagnol est pris ; l'ordre de repli est donné aux maquisards. On déplore la mort de deux résistants et deux blessés. Les miliciens incendient et rasent le hameau Les Cabesses.